Lecture de la romancière sénégalaise Ken Bugul à la librairie Zadig
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Event information
Info | Eintritt: 5€ / 3,50€ erm. |
Address | Zadig - Französische Buchhadlung | Linienstrasse 141 10115 Berlin |
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Ken Bugul est considérée comme l’une des plus brillantes écrivaines sénégalaises et de la littérature francophones de ces dernières décennies. Au fil des ans, empreint d’une grande maîtrise de la langue française et d’une intransigeante attention apportée au respect de l’énoncé des signifiés de sa langue originelle, le wolof, ses romans sont devenus de véritables points de référence dans le domaine des études de linguistique.
À la librairie Zadig, Ken Bugul lira des passages de trois de ces romans. « Le baobab fou », « Riwan ou le chemin de sables » et « Aller et retour ». En conversation avec Eric Van Grasdorff d’AfricAvenir, elle racontera la genèse et le contexte de ces romans et reflètera sur 30 ans de carrière littéraire.
Le Baobab fou. NEA, Dakar 1981 (dt. Die Nacht des Baobab. Unionsverlag, Zürich, 1985. Übersetzung: Inge M. Artl)
Au Sénégal, dans le Ndoucoumane, une petite fille en mal de mère grandit à l'ombre d'un baobab séculaire. Petite dernière, un peu en marge, elle découvre l'école française, comme un chemin de traverse qui va la mener aux études supérieures et au grand départ pour le "Nord référenciel, le Nord Terre promise". En Belgique, c'est le choc, le désarroi, les mille et une expériences et la découverte que ce Nord des promesses est aussi celui des allusions et des illusions.
Drogue, sexe, prostitution : un récit de vie et une publication par lesquels - il y a vingt-sept ans déjà - le scandale arrive ! Mais force est de constater que depuis, "Le Baobab fou" n'a pas pris une ride ! Sans doute parce que les réflexions qu'il soulevait, avec la franchise qui caractérise l'auteur, étaient des plus profondes : introspection fine à la recherche de soi et en quête d'appartenance, le portrait de la narratrice Ken Bugul pose aussi la question des conditions du dialogue et de la fraternité et dessine les rapports particuliers qu'entretient avec le Sud un Occident en plein désarroi qui réclame "sa part d'exotisme et de culpabilité". Des questions toujours d'actualité pour un livre fondateur et qui contient en germe toutes les réflexions des ouvrages à venir ; une réédition qui permet aussi de redécouvrir la beauté d'une écriture réussissant l'équilibre précaire entre témoignage "choc" et transparence lumineuse des paysages d'enfance. (Nathalie Carré)
Riwan ou le chemin de sable. Présence Africaine, Paris, 1999 (traduction allemande en cours, parution en automne 2016 chez AfricAvenir)
Dans un récit bouleversant et puisé aux sources d'un vécu authentique, ce livre raconte des destins croisés de femmes africaines prises dans des relations monogamiques "modernes" ou polygamiques "traditionnelles". Intellectuelle, "évoluée" sans vraiment être heureuse de l'être, malgré de grandes illusions initiales, la Narratrice-Personnage devient la 28ème « épouse » d'un marabout dont elle s'était d'abord prise d'amitié et qui habite un village quelque part dans le centre du Sénégal. Mariage qui ne sera rompu que par la mort de ce dernier. A travers la quête éperdue du personnage central pour retrouver une identité reconstruite, apaisée et réconciliée avec elle-même, il y a pour la première fois une réflexion lucide et sans complaisance sur le féminisme. Beaucoup de préjugés, d'opinions reçues sur la condition des femmes africaines sont bousculés, disséqués sans pitié. Dans ce Chemin de sable dont l'auteur nous invite à suivre la trace, il y a une réflexion paradoxale et courageuse sur les traditions africaines, sur la polygamie, sur la monogamie, l'aliénation, la séduction, la vie et la mort. Qu'il soit ravi ou offusqué, aucun lecteur ne sort intact de cette lecture, car jamais une romancière africaine n'est allée aussi loin dans l'assomption totale de sa féminité.
Aller et retour. Athéna, Dakar, 2014 (traduction allemande en cours, parution en automne 2016 chez AfricAvenir)
Ignorante du monde qu'elle découvre, Ngoné suit une Bigué mutilée, de retour de sa confrontation avec un certain général, à la recherche de sa tête et de celle d'un pays à l'indépendance falsifiée. Ce périple à travers le Dakar prometteur et pourtant déjà dégradé des années quatre-vingt, nous emmène à la rencontre des rêveurs de vrais rêves. A la veille de l'arrivée d'un nouveau bourreau, ils résistent désespérément à ses programmes d'ajustement structurels qui vont ébranler la société et malmener la culture.
Dans ce nouveau récit, Ken Bugul confirme son talent de narratrice et plonge le lecteur dans un univers où s'entrecroisent description d'une capitale en expansion, analyse sociopolitique et épopée mystique; où malgré tout se découvre une créativité en effervescence.
Biographie
Née sous le nom de Mariétou Mbaye en 1947 dans un village isolé du Sénégal encore occupé par les colonisateurs, Ken Bugul connaîtra une enfance difficile. À sa naissance, son père est âgé de 85 ans. Lorsqu’elle a à peine cinq ans, sa mère quitte le foyer familial, une expérience douloureuse d’abandon qui sera fondamentale dans l’œuvre de Ken Bugul et constitue un Leitmotiv de son écriture. Elle se sent mal aimée, mais d’autant plus déterminée dans sa quête de liberté. Le pseudonyme qu’elle se donne „Ken Bugul“ signifie en wolof « personne n'en veut ». Première fille dans sa famille à aller à l’école française, elle fait des études exceptionnelles. En 1971, elle part en Europe poursuivre des études supérieures, elle y fréquente la haute bourgeoisie, y découvre de nouvelles idéologies et libertés, l’art moderne, la drogue, l’alcool, la solitude, l’incompréhension et le mépris, la prostitution par besoin d’affection. Comme elle écrit dans « Le baobab fou » : « Pendant vingt ans je n’avais appris que leurs pensées et leurs émotions. Je pensais m’amuser avec eux, mais en fait j’étais plus frustrée encore : je m’identifiais en eux, ils ne s’identifiaient pas en moi.” C’est une jeune femme brisée qui rentrera, seule et pauvre, au Sénégal. Considérée comme folle, rejetée par sa famille et la société. Durant deux ans, elle ère dans Dakar, fréquente les marginaux, les mendiants, les prostituées et les artistes. C’est dans ces conditions qu’elle commence l’ébauche de son premier roman « Le baobab fou », par « nécessité thérapeutique » comme elle dira plus tard. Dans sa détresse, elle se tourne vers sa mère et cherche refuge dans son village natal. Mais, par honte, elle est confinée dans sa chambre, jusqu’au jour où, apprenant la venue du Grand Serigne, elle trouve refuge dans sa cour. La rencontre avec le Serigne s’affirme être un tournant dans la vie tourmentée de Ken Bugul. Une grande amitié intellectuelle se tisse et elle devient sa 28ème „épouse“, geste symbolique lui conférant ainsi sa protection et lui permettant une réintégration sociale. Son premier roman, „Le baobab fou“, introspection fine a la recherche de soi et questionnement profond du mythe de l’occident, fait fureur dans le monde littéraire. S’ensuivent „Cendre et braises“ et finalement „Riwan ou le chemin de sable“, le compte rendu de son expérience dans la cour du Serigne qui sera récompensé par le prestigieux Grand Prix littéraire de l'Afrique Noire et figure parmi les 100 meilleurs livres africains du 20ème siècle établi par le Harare Book Fair de 2000.
Après cette phase „d’écriture thérapeutique“, Ken Bugul travaille comme fonctionnaire internationale, successivement basée à Nairobi (Kenya), Brazzaville (Congo), Lomé (Togo) comme Chargée de Programmes dans la région Afrique d'une organisation non gouvernementale internationale s'occupant de programmes et projets de planification familiale. Ce n’est que plus tard qu’elle se consacre pleinement à sa carrière littéraire. Entretemps, Ken Bugul a publié 10 romans et développé un style d’écriture unique. Une partie de ses romans est caractérisé de références autofictionnelles, qui ramènent à la douloureuse histoire familiale de Ken Bugul, comme „De l’autre côté du regard“ qu’elle dédie à sa mère. Mais Ken Bugul expérimente aussi avec des éléments du roman policier (Rue Félix Faure), du roman inter-médial, dans lequel la radio devient un personnage clé (La folie et la mort) ou encore de la dystopie (La pièce d’or). La parution des traductions allemandes des livres „Riwan“ et „Aller et retour“ (AfricAvenir) sont prévus pour automne 2016. Ken Bugul vit actuellement à Dakar.
Bibliographie
- Le Baobab fou. NEA, Dakar 1981 (dt. Die Nacht des Baobab. Unionsverlag, Zürich, 1985. Übersetzung: Inge M. Artl)
- Cendres et braises. L´Harmattan, Paris, 1994
- Riwan ou le chemin de sable. Présence Africaine, Paris, 1999
- La folie et la mort. Présence Africaine, Paris, 2000
- De l'autre côté du regard. Le Serpent à Plumes, Paris, 2003
- Rue Félix-Faure. Le Serpent à Plumes, Paris, 2003
- La pièce d'or. Ubu, Paris, 2006
- Mes Hommes à moi. Présence Africaine, Paris, 2008
- Aller et retour. Athéna, Dakar, 2014
- Cacophonies. Présence Africaine, Paris, 2014