Lettre du Prince Kum’a Ndumbe III au Synode Général de l’Eglise Evangélique du Cameroun 2012

A l’occasion du 56è synode de l’Eglise Evangélique du Cameroun du 1er au 3 mars 2012 à Douala, le Prince Kum’a Ndumbe III interpelle dans une lettre les chrétiens, mais aussi les autres croyants pour une réflexion profonde sur les débuts du christianisme au Cameroun, sur la relation avec la spiritualité profonde de l’Afrique depuis Enoch, sur le déluge de Noé et les rapports entre Jésus Christ et l’Afrique. Des révélations inédites.nLettre de Bonabéri, 22 février 2012

A mes chers frères, à mes chères sœurs en Christ,

Je vous souhaite la bienvenue sur la terre de nos ancêtres, ici à Cameroons Town, rebaptisé Douala en 1901, et à Hickorytown devenu Bona Bele, Bonabedi, francisé en Bonabéri. Que le séjour de nos pasteurs, de nos fidèles et de tous ceux qui accompagnent ce synode général soit imbibé de l’esprit saint et empreint d’une profonde spiritualité.

Nos pionniers
Le message de Jésus Christ n’est arrivé que très récemment au Cameroun, quand le 6 novembre 1843 les Noirs de la Jamaïque Joseph Merrick, Prince et Alexander Fuller débarquèrent à Cameroons Town ( Douala), avant d’aller s’installer à Bimbia, alors sous le règne de King William, dès le 10 avril 1844. Venant de la Jamaïque et avant de partir de l’Angleterre pour le Cameroun, Merrick, théologien, linguiste et anthropologue de la Baptist Missionary Society écrira en août 1844 : « Le seul mot Afrique touche une fibre dans le plus profond de mon être. Etant moi-même africain d’origine, je suis fier de cette parenté…Il m’est impossible de penser à ce pays sans sérieusement vouloir que l’Evangile qui contient la Bonne Nouvelle de grande joie, soit annoncée à travers ce continent, de long en large. » nCes Noirs vont donc introduire le christianisme au Cameroun, mais aussi l’école moderne, l’imprimerie, l’édition et l’évangélisation. Après la mort de Joseph Merrick le 22 octobre 1849, Alfred Saker, d’abord mécanicien et conducteur de bateau, puis aide missionnaire encore en 1848, prendra la relève avec les Tobbo Deido, Josué Dibundu et Adolphe Lotin Samé en créant la Native Baptist Church de Béthel à Akwa, en novembre 1849, native pour insister sur l’origine africaine de cette église. Le roi Mbap’a Bedi (Priso Bell) cédera du terrain pour une station de l’église à Bonabéri en 1864, sous l’impulsion du Noir de Jamaïque J. J. Fuller et des missionnaires Joseph Dybol, Robert Smith et des anciens de l’église George Nkwe et Angwa . Les premiers baptisés seront Henry Fuller, Ngungu de Bonendale, Robert Dibaso, Toko’a Munjonge, suivront Mikano’a Bulu (Green Joss Bell), Dybol Eleme Ekambi, John’a Musongo et Kum, fils de Lock Priso (Kum’a Mbape). Doo’a Bedi ((Bul’a Makolo du nom de sa maman), rentrant de Bimbia où il avait laissé le missionnaire Fuller, donnera le nom de Fuller à son enfant qu’il trouvera déjà né de son épouse Mbondi à son retour, pour pérenniser cette amitié avec le Jamaïcain. En effet, les Duala emprunteront aux Subu (Bimbia) le mot « Obbase » (Loba, Nyambe), qui deviendra « Ebasi », église en duala.

Grâce aux efforts conjugués de Merrick, Saker, George Nkwe, la traduction de la bible en duala sera achevée en 1872. Elle sera améliorée plus tard par Mbende Ngando, Dinckelacker, Paul Helmlinger, etc. Ce n’est qu’après la conférence de Berlin de 1884/85 que les Anglais de la BMS se retireront pour laisser la place aux missionnaires de Bâle en Suisse, envoyés par le chancelier Bismarck. Débarqueront ainsi au Cameroun le 23 décembre 1886 les missionnaires de la Suisse allemanique Munz, Dilger, Johannes Bizer et Friedrich Becher, et le Jamaïcain Fuller rentrera en Angleterre en  1887.

Quand les baptistes insisteront qu’ils ne peuvent pas baptiser les bébés, comme le font les missionnaires de Bâle, la séparation avec ceux qui seront désormais de la mission de Bâle (Basel), donc de l’Eglise évangélique, sera consommée en 1887. Le pasteur Dibundu continuera avec les fondements de l’église baptiste à Akwa, Bonabéri et à Victoria, certains catéchistes rejoindront la mission de Bâle : Epe’a Kwan, Johannes Deibol, David Mandessi Bell, Bebe’a Ndumb’a Loba, Ngango’a Itondo (père de Martin Itondo), Filip Ekam Ekanga, Wud’a Njombe, Benjamin Etond’Ewese, etc.  Les premières femmes anciennes de l’église seront Rebeka Ebenye (épouse Henry Fuller Ngungu),  Bwele (mère du pasteur Johannes Deibol), Mariam (épouse Robert Dibaso), O’o (épouse John’a Musongo), Senje (épse Mikano Bulu), Elong’a Fula (épse Fuller Bulu), etc. Les pasteurs Modi Din, Joseph Ekollo et d’autres demeureront de grands pionniers pour l’accueil de l’Evangile au Cameroun.

Une arrivée bien tardive de l’Evangile au Cameroun
1843-2012: il y a 169 ans que les Jamaïcains apportèrent l’Evangile de Jésus Christ au Cameroun.  Comment sommes-nous restés au Cameroun ignorants de ce message de Jésus pendant plus de 1800 ans, quand on sait que Jésus est venu en Afrique dès ses premiers jours, qu’il y a grandi, que la sainte famille est allée jusqu’au Lac Tana en Ethiopie, que Jésus Christ en prêchant citait par cœur des passages du livre d’Enoch, un Noir d’Ethiopie qui avait écrit son livre saint 9.000 avant la naissance de Jésus Christ, donc 40 à 80 ans avant le déluge dont Noé fut sauvé, bien avant la Genèse qui date de 1400 ans seulement avant Jésus-Christ ?   Savons-nous encore que le déluge s’est passé en grande partie au Sahara actuel, allant jusqu’au nord Cameroun et que l’eau du déluge existe encore dans les sous-sols et était exploitée par la Libye au temps de Khadafi? Sommes-nous, chrétiens d’Afrique, conscients que le livre d’Enoch, l’Ethiopien, fut enlevé du canon biblique grâce à l’influence de l’évêque italien Filastrius de Brescia mort en 398 ? Et savons-nous que 80 passages du Livre d’Enoch l’Ethiopien, se retrouvent dans les quatre Evangiles du Nouveau Testament, et 309 passages dans l’ensemble de la Bible ? Ne l’oublions pas, d’Enoch, le Noir d’Ethiopie, il est écrit : « C’est par la foi qu’Enoch fut enlevé pour qu’il ne vît point la mort, et qu’il ne parut plus parce que Dieu l’avait enlevé ; car avant son enlèvement, il avait reçu le message qu’il était agréable à Dieu. » (Epître de Paul aux Hébreux, 11:5). nLe chrétien camerounais que nous sommes parle d’Israël, mais ignore souvent la proximité entre Israël et l’Ethiopie. Quand on parle de la reine de Saba qui rend visite au roi Salomon, (1 Rois 10,2 Chroniques 9, Matthieu 12,42, Luc 2, 31, Cantique des cantiques 1, 1-6) beaucoup ignorent qu’il s’agit de la reine Makéda d’Ethiopie qui lors de son voyage tomba enceinte de Salomon qui avait sept cent princesses de différentes nations comme femmes et trois cent concubines, et dont un fils naquît, David II, nommé Ménélik, qui devint le roi d’Ethiopie en installant une dynastie qui dura jusqu’à Haïlé Sélassié Ier comme 225è roi de cette dynastie du Lion de Judas, en 1975. nEt que dire de l’eunuque, intendant de la Reine Candace d’Ethiopie, venu en pèlerinage à Jérusalem, à qui Philippe annonce la Bonne Nouvelle, et qui réagit spontanément en disant :  « Voici de l’eau. Qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ?…Et il fît arrêter le char, ils descendirent tous les deux dans l’eau, Philippe avec l’eunuque, et il le baptisa » (Actes, 8, 26-38). Le christianisme déclaré religion d’Etat en Ethiopie en 330 après Jésus-Christ, fera de l’Eglise d’Ethiopie, d’origine apostolique (St Mathias qui a remplacé Judas au collège des apôtres) la plus ancienne église chrétienne du monde après celle de Jérusalem. Quand ferons-nous, Camerounais, le pèlerinage pour aller visiter les 120 églises souterraines taillées dans du roc pour protéger les chrétiens des armées de la reine Yodit (Gudit, Judith), défenseur acharné du Judaïsme en Ethiopie au 9è siècle ? nAujourd’hui, en 2012, les 11 églises du Roi Lalibela et les 120 églises dans le Tigré sont placées sous la protection de l’UNESCO comme patrimoine de l’humanité. Il est temps qu’au Cameroun, dans nos églises, pasteurs et laïcs retrouvent les fondements africains de la Bible pour l’interpréter sans déstabiliser notre peuple et sans le détourner de lui-même.

Que la lumière divine nous entoure et nous éclaire tout au long des travaux de ce 56è synode général de l’Eglise Evangélique du Cameroun.

Prince Kum’a Ndumbe III
Professeur des Universités

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